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Besalampy-Chicago.. Carnet de vol d'un Pilote de ligne malgache..
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17 septembre 2012

8 juillet 2012: premier vol commercial !!

Après 1 an et demi sans vraiment voler, quand on s'y attend le moins, l'occasion se présente. Après une trentaine de vols à droite avec les autres pilotes de la compagnie, je commençais à en avoir un peu marre de la situation. L'ACM a mis 7 mois pour me donner ma licence malgache. A la fin, je me demandais si je serai de nouveau aux commandes d'un avion.. Après une reprise en main avec Roméo* sur le Cessna 182, des tours de piste, un vol pour la reconnaissance des pistes, je ne suis toujours pas embauché. Je me demande également si je ne m'étais pas fait un peu avoir par la compagnie. Mais qui perd patience, se perd lui-même. Alors, comme j'ai rien d'autre à faire, ben j'attends.. Et puis, un samedi matin vers 10h, je reçois un coup de fil pour me dire que le lendemain il y a un vol sur Ankokoambo. La dernière fois où j'étais parti comme Commandant c'était avec Roméo*, on est allé au Sud Ouest, à 2 heures de vol, à Ambatolahy. Cete fois-ci, y aura plus un deuxième pilote, mais je serai seul.

 

IMG_7096

 

Et puis, l'après-midi, je reçois un texto pour confirmer ce que j'ai entendu par téléphone. C'est bien un vol commercial que je vais effectuer. J'ai pas de contrat encore. Pas de souci. On s'en fout du contrat. Je veux voler !! Je vais enfin sortir mes gallons de leur pochette plastique.. haha !! Je serai seul avec les pax. La piste d'Ankokoambo était la première que j'avais faite lors de mon training compagnie sur le bimoteur avec instructeur. C'est une piste privée qui appartient à la société de pêche. L’endroit est visible de loin, il y a un immense terrain rouge. Et la terrain est située à quelques mètres de la mer. Il y a des bassins dans l'axe de la piste 29 (face à la mer) et la mer dans l'axe de la 11. L'approche ne présente pas de problème majeur, et la piste est longue. Il y a une manche à aire à l'extrêmité de la 29. J'ai appris plein de choses lors de mes vols en place droite. Les pilotes sont souvent les bienvenus. Et les gars qui se chargent d'accueillir les avions connaissent leur un peu leur truc. Il faut quand même faire gaffe à la direction de vent qu'ils donnent; il est souvent sage de faire une verticale terrain pour confirmer leurs dires. A part ça, faut pas prendre tous les bagages qu'ils donnent, car souvent ils dépassent la masse max.

 

6h00, un collègue qui devait faire une rotation vers l’Est, vient me chercher dans sa voiture. Mon vol est prévu à 7h30, je suis arrivé 1h15 à l’avance. C’est parfait. J’aurais le temps d’étudier la météo, le log de nav et revoir la carte. A Mada, il n’existe aucune carte de navigation aérienne. Les pilotes utilisent des cartes routières pour naviguer à vue. J’ai photocopié une ancienne carte datant de 1947 et l’ai scotché en entier. Elle est mieux que les cartes routières où il n’y a pas l’information d’obstacles et d’altitude. On a aussi un GPS (un Garmin 230), indispensable pour l’environnement où on opère. Il n’existe pas de couverture radar non plus dans le pays. Les contrôleurs assurent la séparation par rapport aux infos qu’ils obtiennent des pilotes. Il arrive parfois que les pilotes trichent sur leur altitude et leur position, souvent pour être prioritaire à l’atterrissage.

 

Le GPS est un service assuré par le Pentagone américain. Ils peuvent le laisser allumer comme l’éteindre sans préavis comme bon leur semble. On doit donc toujours avoir une carte et des moyens de radionavigation traditionnels (VOR, ADF,…) en cas de panne du GPS.

 

La visite journalière effectuée, on sort l’avion du hangar. J’aide les mécanos à le pousser. Ensuite j’effectue la visite prévol, le niveau de carburant. En aéroclub et à l’école, on effectue systématiquement la prévol. Mais en compagnie, elle est effectuée par des gens désignés qui signent ensuite en bas d’un document. J’effectue quand même pour ne pas perdre les bonnes habitudes. Les pax ne sont pas encore là, je démarre alors le moteur et fait les essais. Le moteur diesel n’a pas de magnétos, ni de réchauff carbu. Il y a un contact batterie et alternateur (Master), et puis la clé de contact pour démarrer. Les essais terminés, les pax arrivent, on charge leurs bagages. Ils sont trois : un cadre de la société, et deux autres ouvriers qualifiés. On a encore quelques minutes avant d’embarquer, je discute alors avec mes pax. Je leur dis que ça sera mon premier vol commercial. Ils me demandent alors où j’ai été avant. Ils ont l’air rassuré. On embarque, je double check mes actions, l’autre pilote qui était là n’y est plus. Faut pas que je fasse une erreur stupide, ça serait dommage. La veille, le boss m’avait appelé pour me dire que ce vol serait un challenge pour moi, et que j’avais six mois pour prendre la place du pilote qui part bientôt à la retraite. Pour moi, ce vol est une belle chance. On prend alors la piste 14, et on monte au niveau 085. Notre route nous mène à longer la côte Ouest. La vue est magnifique. Je suis constamment sur ma carte photocopiée et plastifiée à ma manière. Le passager à côté, on va dire l’un des boss, a l’air cool. Ils sont habitués aux petits avions pour leur déplacement. Il me demande ma carte et suit le relief au sol. J’avais pris des repères lors des vols e place droite. La ville de Soalala est exactement située à la sortie de zone de la TMA (espace aérien) de Majunga qui est à 60 nautiques (110km), soit mi chemin de notre destination. Jusque-là tout va bien. On n’est pas perdu. La radio est zen, y a pas beaucoup de traffic ce matin. On passe ensuite avec Tana Info (Service d’Information en Vol, SIV) sur 128.90 Mhz qui nous demande de rappeler pour la descente. De loin, à notre droite, le Cap St André. Il est bien visible en vol. Et à sa gauche, une étendue rouge. C’est Ankokoambo. 20 minutes avant, on débute la descente, annonce sur 118.10 (auto-info) et effectue une verticale. La piste est faite de terre rouge, longue, et pas d’obstacles dans les deux axes d’approche. On approche par la mer. L’instructeur de la compagnie nous avait appris à ne pas chercher à faire un « kiss » sur les pistes en brousse, mais poser les roues le plus tôt possible et freiner ensuite. Je ne cherche donc pas à faire de kiss, mais l’atterrissage était doux. On se dirige vers le placeur en bout de piste, près de la manche à air, éteint le moteur et débarque mes amis. Ils ont l’air content, ils sourient ! J’ouvre la soute et laisse les gars du site s’occuper de leurs bagages. Je vais attendre sur place, ce sont les mêmes qui rentrent avec moi. Je sécurise l’avion, mets les cales en place, les flammes et cache Pitot, et puis le pare-soleil. Je prends ensuite mes affaires et les documents (CRM, carnet de route, manifeste passagers,…) pour les remplir pendant ma petite pause. On m’avait préparé un sandwich, mais j’en ai pas mangé, on ne sait jamais ce qu’ils ont mis à l’intérieur. J’avais emporté quelques trucs à grignoter avec moi de toute façon. J’appelle la compagnie, et vais remonte la piste à pieds pour voir mon point de toucher et l’état de la surface. J’appelle ensuite mon père. Le temps est vite passé, je m’étais mis à papoter avec les gars et me suis vite fait familier. Pour la petite parenthèse, je suis le seul pilote d’origine indienne à travailler dans le pays. Les deux seuls pilotes de même origine que moi sont chef de compagnies aériennes, ils font rarement ce type de vols. Ça m’est égal. Les mecs m’expliquent qu’en saison de pluie, la piste est impraticable. Il faut alors dérouter à Besalampy qui est à 10 nautiques au Sud.

 

Quelques temps après, mes pax reviennent. Je salue les gars de la sécurité, on remonte la 11, celle par laquelle on est arrivés, et mets les gaz sur freins. On rentre à Majunga. Rien à signaler pour le vol retour. L’atterrissage était un peu dur, j’ai arrondis un peu haut. On rectifiera ça la prochaine fois. Au parking, les passagers me remercient, et un parmi eux prend une photo avec moi. Avant de se quitter, ils me rassurent que c’était pas mal. Voilà. Le rêve est maintenant accompli. Le reste viendra avec l’expérience.

7juill

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Commentaires
K
felicitation pr ce premier vol ;-)
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