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Besalampy-Chicago.. Carnet de vol d'un Pilote de ligne malgache..
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17 septembre 2012

25-26/08 : Un week-end en brousse

Depuis que j’ai commencé à travailler, c’est mon premier découché hors base. Lors de mes vols en double avec un autre pilote, j’ai dormi deux à trois fois à Tana, mais j’étais pas encore engagé officiellement par la compagnie. Ce soir, je vais dormir à Ankokoambo, une petite brousse située au Sud-Ouest de Majunga. Cet endroit est habité principalement par les cadres et ouvriers d’une importante société de pisciculture. J’ai emmené le Directeur Général Adjoint ainsi qu’une autre personne. Nous avons décollé à 11h20 locales de Majunga. Le vol a duré 1h10. La météo était correcte, un vent de 25kts nous poussait au niveau 85. La piste à Ankokoambo fait 900m, orientée 10/29, et est en terre rouge. Dans l’axe de piste 10, il y a la mer, et dans celui de la 29 les bassins de crevettes. Je suis arrivé ici 4 fois auparavant.  Après une verticale terrain à 1000 pieds, j’intègre la vent arrière main droite pour la piste 10. Au sol, le vent n’est pas très fort. Il est quelque peu dans l’axe. En finale, je suis un peu haut, je fais alors une « glissade », appelé un forward slip en anglais, c’est-à-dire incliner l’avion dans un sens (généralement dans le vent) et mettre du pied dans le sens contraire tout en poussant sur le manche, pour perdre de l’altitude rapidement tout en gardant sa vitesse. Je parviens donc à rattraper le plan. On atterrit à 12h29, et au parking à 12h30. Nos deux passagers ont l’air tranquille, ils sont habitués aux petits avions. Ils descendent chacun à leur tour, puis je descends pour ouvrir la soute à bagages. Un pick-up blanc Nissan vient chercher le boss. Il embarque et rentre à la base vie. Il revient avec moi demain matin. L’autre pax m’attend dans un autre pick-up similaire. Lui restera ici pour quelques semaines. Je mets les cales des deux côtés du train principal, vérifie le niveau de carburant restant, on a bouffé un peu moins que prévu. Je mets les cache Pitot et autres flammes, sors  les cordes d’arrimage, et les attache sous les ailes. Une troisième corde sous la queue de l’appareil. Les gars de la sécurité apportent deux barriques remplies de béton et les placent sous les ailes pour y attacher les cordes. J’avais emmené trois pitons en fer rond pour planter dans le sol, mais leurs barriques semblent plus costauds. Je plante alors un piton sous la queue. L’avion est bien attaché. L’hélice également est sanglée. Je récupère les documents, le téléphone satellite et ma bouteille d’eau. On est prêt à laisser l’avion. Dans d’autres pays d’Afrique, comme le Botswana par exemple, les pilotes couvrent les pneus avec des épines pour éviter que les hyènes viennent mâcher le caoutchouc. Ici, à part les zébus et les chiens, on ne risque pas de croiser d’autres animaux sur la piste. Et les oiseaux parfois. Je monte alors dans la voiture avec mon sac à dos, mon sac de vol et les documents (carnet de route, compte rendu matériel, manifeste passagers, dossier météo,…) et nous nous dirigeons vers la base vie. Le chauffeur nous arrête à un bâtiment. C’est la cafétéria. On s’installe après nous être lavés les mains. Là, une voix m’interpelle. C’est Talib. Un ancien de Tuléar, la ville où j’ai grandi, au Sud-ouest de l’île. On s’était vus pour la première fois après de longues années la troisième fois où j’étais venu ici. Il s’occupe du chantier sur le site. Le cuisinier nous apporte une assiette de salade niçoise chacun. Puis une assiette de légumes sautés pour moi. Au dessert, trois petites bananes par personne. Au dessus de la porte de la cuisine est marqué en grand « TIME IS MONEY ». Je pense que cette expression est là pour rappeler à ces travailleurs de ne pas s’endormir après avoir bien mangé. Après avoir déjeuné, on m’attribue une chambre. Assez spacieuse, où y a deux lits, une penderie, une chaise et un climatiseur.  Je remplis les documents, il y a une musique de Bob Marley qui vient de quelque part. Je fais une légère sieste. A 17 heures, je me réveille, le soleil sera bientôt couché. C’est plutôt calme. Quelques ouvriers jouent aux boules. A 19h30, au moment je suis en train d’écrire ces lignes, mon pax vient frapper à la porte. « Le repas est prêt ». Ce soir, un bol de pâtes mélangées avec du couscous, et du gratin aux pommes de terre et des légumes. Au dessert, trois bananes ! Mon pax, avec qui je suis à table, me dit que hier c’était le jour de marché, ils ont donc acheté beaucoup de fruits, car généralement il y a du yaourt ou de la glace. Ce passager qui a fait le vol avec moi est le coordinateur des systèmes d’élevage. En gros, il travaille aux bassins. Après le dîner, les uns rentrent dans leur chambre, les autres jouent aux boules ou restent devant la télé. Un petit détail que j’ai oublié, c’est qu’ici il n’y a que des hommes. La rotation de ces employés est de 4 semaines de travail et une semaine de repos, période pendant laquelle ils peuvent rentrer en ville. Demain, on décolle à 9 heures locales, normalement. Je me rendrai à l’avion à 8 heures pour le préparer et le chauffer. Cette époque sera la plus belle de ma carrière, je le sais. Je ne pourrais jamais dormir dehors à la belle étoile, et manger trois bananes au dessert ! (j’en ai mangé qu’une seule, et j’ai emmené les deux autres dans ma chambre). Mon pax m’a dit à table qu’on faisait un boulot difficile. Moi je dis que c’est le meilleur. Il est 21h, je vais prendre une douche et me coucher.

26/08 : 7h, je me lève, et prépare mes affaires. Je vais ensuite prendre le petit déjeûner et me préparer. Il y a du thé, du café et une boîte de Nesquick sur chaque table. Je prends du café et des bicottes. A huit heures moins dix, la voiture vient me chercher, on va à l’aéroport. L’avion est bien attaché, et deux de mes pax sont déjà là. Le manche à air est bien tendu. La piste 10 est en service. Après avoir salué tout le monde, je vais vers l’avion où les gars de la sécurité m’aident à détacher les sangles liés sous les ailes et la queue. Je retire les caches et les flammes de chaque côté. Il y a une visite journalière à effectuer avant le premier vol de la journée, suivant une liste de vérifications bien établie. Il existe un exemplaire de cette liste dans le classeur qui se trouve à bord. Je coche au fur et à mesure les items. Le niveau d’huile est entre 5,50 et 6 quarts. Il est marqué « 6 » avant le départ, sur la liste. J’appelle alors le mécano à la base pour lui demander si je dois rajouter de l’huile. Il me dit , d’en mettre entre 200 et 250ml, ça ne devrait pas déborder la limite max. Je m’exécute et m’assure que le bouchon est bien refermé. Je purge également le carburant de chaque côté. Il existe 2  fuel drainer en-dessous de chaque aile, ce sont les côtés les plus bas des réservoirs. On retire du carburant pour vérifier la présence des impuretés (sable, poussière,…) et de l’eau. Il existe un autre drainer dans le capot moteur. Toutes les vérifications sont faites. Les gars de la sécu arrivent avec leur chariot de bagages. Il y en a pas mal. On a en tout 308 kg avec les pax. Je démarre le moteur et le chauffe à 1500 tours. La température d’huile étant dans le vert, je purge l’hélice trois fois à 1800 tours, puis l’essai ralenti. Notre avion étant équipé d’un moteur Diesel, il n’y a plus de carburateur ni de magnétos pour le démarrage.  A 9h10, Le boss d’hier arrive en voiture mais s’arrête pour me dire qu’il reviendrait dans un quart-d’heure, il a rendez-vous avec Talib. A 9h35, le voilà. Je place  le plus lourd des trois à l’avant pour équilibrer le poids ; le boss et l’autre pax se mettront à l’arrière. Je retire les cales et les place dans la soute au-dessus des bagages. Je refais le tour de l’avion une dernière fois avant de monter, pour m’assurer que je n’ai rien oublié.  La soute est bien fermée et verrouillée, les passagers attachés. Je démarre et on quitte le parking pour remonter la piste. Aligné piste, verrières fermées et verrouillées, volets capots ouverts, landing light ON, volets 10, directionnel recalé, je note l’heure de décollage et calcule les estimées, et m’annonce sur la fréquence auto-info mes intentions. Pieds sur freins, pleine puissance progressivement, on a 2200RPM, pas d’alarme, je relâche les freins, le manche cabrée pour donner le moins de poids à la roulette de nez. On peut trouver des trous ou des cabosses sur les pistes en brousse, la roulette de nez pourrait s’endommager. A 40 kts, l’avion vole en effet de sol, je pousse sur le manche pour le garder en palier et le laisser accélérer jusqu’à 60kts, la vitesse de rotation. A 60, on décolle, et à 200 pieds virage à gauche. A 400 ft, check décollage (volets rentrés, landing light OFF) et radio sur 118.10. On ne captera Tana Info que plus tard vers 8000 ft vers 40 nautiques.  Y a pas mal de traffic aujourd’hui, un avion qui vient de Moroni, un autre qui va à Saint-Denis, et un autre Cessna qui vient de Tana pour Majunga. Le contrôle qui a perdu le contact avec ce dernier me demande de demander sa position et ses estimées. L’atmosphère est calme au niveau 95. On a un vent arrière de 20 nœuds, température extérieure de 12°C. A 10h43, on débute la descente. Nous sommes numéro 1 avant ce Cessna qui estime à 08h10 UTC. Je mets en marche le transpondeur au cas où l’autre avion serait équipé d’un TCAS (Traffic Collision Avoidance System). Dans les environnements équipés d’une couverture radar, le contrôleur assigne un code à quatre chiffres à chaque appareil, que le pilote affiche sur son transpondeur,  et ceci lui permet de voir la position de l’avion sur son écran radar, l’altitude et la vitesse sol. Le TCAS, lui, étant installé à bord, utilise les informations des autres avions dans un rayon de ….. milles nautiques (…… km) lui affichant sur son petit écran la position et l’altitude des avions dans son spectre. C’est un peu le radar de bord. Dans le cas d’un risque de conflit avec un autre aéronef, il donne immédiatement un ordre au pilote après avoir « communiqué » avec le TCAS de l’autre appareil en conflit, c’est-à-dire que si le TCAS 1 donne l’ordre de monter, le TCAS 2 donnera l’ordre de descendre à son pilote.  La Tour nous donne la base droite pour la 14. On effectue une approche par la mer. Le passager assis à côté de moi est quelque peu curieux, il regarde tout ce que je fais. Mais je ne fais pas attention à lui, et continue ma finale. L’autre Cessna, le Victor Fox, est en vent arrière main gauche. La communication est en Anglais. Le vent vient de la gauche, alors juste avant l’arrondi, manche dans le vent et pied à droite, et on maintient cette position jusqu’au toucher des roues. Après l’atterrissage, manche toujours à gauche, volets rentrés pour avoir une meilleure efficacité des freins. Volets capot ouverts, et la Tour nous demande de dégager la piste pour le parking. Le VF est en finale. On dégage par la droite. Une fois passé travers Tour, je coupe la radio et le GPS. Les mécanos et l’agent de la sécurité de la compagnie nous attendent avec un extincteur et un chariot. Je suis le placeur et me mets face à lui. A son signe des mains, je m’arrête, serre le frein de parc pour qu’ils puissent placer les cales. Le compteur s’arrête, j’ai fait 2h37 de vol en tout. Une expérience de plus dans mon carnet.

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